
Le biologiste et photographe sous-marin montpelliérain mondialement connu, notamment pour sa participation à Ushuaïa Nature et ses documentaires diffusés sur Arte, publie dans Midi Libre une tribune émouvante en réaction à la démission de Nicolas Hulot.
« La mer est sublime ce matin, épaisse et limpide à la fois, comme seule la Méditerranée sait l’être. En sortant de l’eau, il n’est pas encore 8h30, la journée s’annonce belle, et puis hélas j’allume la radio. Nicolas Hulot démissionne.
La stupéfaction est aussi grande pour les intervieweurs que pour les auditeurs. Son ton calme et ému, ni rageur, ni vengeur impose le respect et c’est à peine si les journalistes osent l’interrompre. On assiste, presque muet, à un instant de grâce, quand bien même est-il dramatique.
Bien sûr, dans un sursaut d’égo d’animatrice vedette, on lui pose cette question vicieuse pour savoir si ce renoncement ne serait pas l’aveu de son incompétence. Il répond « peut-être » parce que, lui, en a fini depuis longtemps, avec l’orgueil.
Moi je crois savoir que ce boulot il le fait pour de bonnes raisons, pas pour une bonne fonction. Pouvoir d’influence, avantage de la notoriété, Nicolas n’a jamais eu besoin d’être ministre pour posséder ces atouts-là.
Au contraire, en acceptant le poste, il savait qu’il les fragiliserait. Il n’avait rien de personnel à y gagner et il l’a fait quand même, preuve que c’est la cause et les convictions qui l’ont conduit à accepter. Et ce sont ces mêmes convictions qu’il le conduise aujourd’hui à refuser de continuer.
Je l’écoute et mes sentiments sont paradoxaux : je suis rassuré de voir qu’il existe encore des hommes influents avec autant d’intégrité, mais je suis angoissé par ce qui nous attend désormais. Je suis fier d’être l’ami d’un tel homme et déçu qu’il n’ait pas réussi plus longtemps.
« Il n’y a aucune raison d’être optimiste, mais il n’y aucun intérêt à être pessimiste »
J’entends déjà les sarcasmes des cyniques « je l’avais bien dit ! C’était foutu d’avance dans un tel gouvernement ». Croyez-vous vraiment que Nicolas Hulot était si naïf ? Il est des causes trop sérieuses pour qu’on les passe au filtre du possible avant de les embrasser.
Je crois que Nicolas ne s’est jamais demandé si les ambitions étaient réalisables, seulement si elles étaient nécessaires. Il aura tout essayé au cours de sa carrière : nous émouvoir avec des films, faire de l’éducation avec sa fondation, du conseil auprès des présidents, du lobbying auprès des plus grandes sociétés, et puis enfin, entrer au gouvernement. On ne peut rien lui reprocher.
Dans ce moment de désespoir, je veux encore croire que le choc de son départ sera le défibrillateur qui va ranimer les consciences des gouvernants et des gouvernés. Il n’y a aucune raison d’être optimiste, mais il n’y aucun intérêt à être pessimiste.
Que l’on dise « ça va s’arranger » ou bien « de toute façon, c’est foutu », ces deux postures sont stériles. Mieux vaut encore se taire et agir. Puisqu’on ne lui permet plus d’agir, il a raison de partir et de se taire. Même si je veux croire à un sursaut futur.
En attendant, demain matin, je retournerai plonger, admirer des petits bouts de notre belle planète, explorer les fonds marins, y prendre du plaisir autant que possible, et même essayer de partager ce plaisir, essayer de profiter sans gaspiller, de jouir sans nuire.
Ballesta : « Espérons que la démission de Hulot aura l’effet d’un électrochoc »
Biologiste et photographe sous-marin mondialement connu, le Montpelliérain Laurent Ballesta fut, durant près de 14 ans, l’un des plus proches collaborateurs de Nicolas Hulot, pour lequel il était conseiller scientifique lors des tournages de l’émission Ushuaïa Nature.
Suite à la démission de ce dernier du poste de ministre de la Transition écologique, Laurent Ballesta se dit « attristé », et même « angoissé » du départ de son ami. « Espérons que sa démission aura l’effet d’un électrochoc, tant auprès des gouvernants que des gouvernés », explique le gérant d’Andromède Océanologie, basé à Carnon.
« Quant aux cyniques, qui ont toujours pensé que son action au sein du gouvernement était, dès le départ, vouée à l’échec, je leur dit que Nicolas n’a jamais été naïf, et qu’il ne se demandait pas si c’était réalisable, mais seulement si c’était digne. Et on ne peut pas lui enlever que ça l’a été. Nicolas a toujours été dans l’action, et non dans des postures stériles, tout en étant conscient, comme il me l’a souvent dit, que l’optimisme et le pessimisme sont les deux revers d’une même médaille, celle de la résignation ».
Secoué par cette annonce, Laurent Ballesta diffusera une tribune dans Midi Libre ce mardi en fin de journée.
SEBASTIEN HOEBRECHTS
LAURENT BALLESTA