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Jean-Claude Mensch, maire nature

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Photo Pascal Bastien pour «Libération»

Retraité de l’industrie minière, l’édile alsacien a fait de sa bourgade le fer de lance de la transition écologique. Et, économiquement, ça marche.

Du côté gauche de la D430, en provenance de Mulhouse, un champ de panneaux solaires surgit de derrière un talus. Au volant de son break, Jean-Claude Mensch, sobrement vêtu d’une chemise bleue sous un gros manteau noir, est, lui, concentré sur la route. Ce matin pluvieux de décembre, l’énergique maire d’Ungersheim (Haut-Rhin) est gentiment venu nous récupérer à la gare de la sous-préfecture. Il improvise, affable, une visite commentée du territoire communal. «Cette centrale photovoltaïque sur toitures a une puissance de 5,4 mégawatts. Cela correspond à la consommation électrique de 10 000 habitants hors chauffage, développe l’édile de 72 ans passionné par les énergies renouvelables. Avec la construction de la nouvelle centrale solaire, sur un ancien terril, on compte être en autonomie électrique dès 2021.»

Serait-ce la dernière lubie d’un écolo mégalo ? A Ungersheim, bourgade alsacienne de 2 207 âmes, la transition verte souhaitée face au péril climatique est, bien au contraire, un projet longuement mûri. Et le maire, le contre-exemple de l’incurie écologique des pouvoirs publics généralement dénoncée. En 2016, l’audace de cette municipalité pionnière en France a fait l’objet d’un documentaire élogieux, Qu’est-ce qu’on attend ? de Marie-Monique Robin. «J’ai été très impressionnée en arrivant à Ungersheim, observe, emballée, la journaliste d’investigation qui a tourné une année entière dans le patelin alsacien. Pour moi, Jean-Claude Mensch est ce qu’on appelle un « héros local » : quelqu’un de très convaincu et qui sait ravaler son ego.»

Cette médiatisation tonitruante surprend encore l’homme, «satisfait» néanmoins de crouler sous les «nombreuses sollicitations d’associations et de collectivités». La semaine passée, il a plaidé en Vendée pour les vertus de la transition écologique, prônant l’abandon des énergies fossiles, l’autosuffisance alimentaire et la démocratie participative. Dans la salle du conseil municipal qu’il préside depuis trente ans, il raconte que tout a commencé en 1999, lorsqu’il a fallu remédier au chauffage électrique «dispendieux» de la piscine municipale. La solution ? Recouvrir les toits du bâtiment avec des panneaux solaires. Un choix innovant et probant malgré «deux ans d’atermoiements». Depuis cette date, des commissions participatives ont été ouvertes aux habitants désireux de s’investir. La consommation de l’éclairage public a été réduite de 40 % et l’abandon des pesticides et des engrais chimiques acté. Une exploitation maraîchère bio de 8 hectares sur une parcelle communale a été confiée à une association d’insertion, tandis qu’une monnaie locale alternative, le radis, a été mise en circulation. Le ramassage scolaire des enfants se fait, lui, à cheval…

Des mesures à la pelle, décidées après concertation, sans jamais augmenter la fiscalité, et surtout concluantes si l’on retient la réduction de 600 tonnes par an de CO2 ou la création de 130 emplois. «Plus on s’engage dans cette transition, plus on crée des activités, plus on génère des ressources nouvelles et on fait des économies, se félicite le conseiller communautaire. Quelque part, on a fait la preuve que ça marche.» «Il a démontré la faisabilité des choses parce qu’il est opiniâtre, honnête et travailleur, observe Jean-Christophe Moyses, paysan boulanger dont l’exploitation de céréales bio anciennes est à cheval sur Ungersheim et un village frontalier. En revanche, les résultats électoraux parlent d’eux-mêmes, cela ne fait pas encore l’unanimité.»

C’est la grande «déception» de l’édile divers gauche, pourtant réélu dès le premier tour à chaque scrutin municipal : ne pas avoir réussi à convaincre les électeurs, malgré des «réalisations locales concrètes», de voter écolo plutôt que facho aux élections, qu’elles soient régionales ou nationales. «Quand on veut préserver son identité alsacienne, on ne vote pas pour un Etat centraliste et nationaliste. Sinon, c’est voter contre soi», déplore celui qui a parrainé Mélenchon à la dernière présidentielle et voté Macron au second tour «en se brûlant les doigts». «Il vit le même drame que moi avec un fort vote FN dans son village, souligne Jo Spiegel, coprésident de la nouvelle formation de gauche Place publique et maire de la commune voisine de Kingersheim. C’est dommage parce que c’est un gars visionnaire : c’est lui qui m’a inspiré le plan climat au niveau de l’agglo !»

Croyant, remarié et père de quatre enfants, Jean-Claude Mensch pense qu’il a hérité son volontarisme de son éducation engagée. Comme si les convictions rouges de son père, mineur, et de sa mère, militante d’une organisation féministe proche du PCF, avaient infusé dès le berceau. Rappelant une «enfance heureuse et verdoyante» dans la cité minière du Bassin potassique alsacien qui l’a vu naître en 1946, il raconte avoir pris le chemin de la mine comme ses frères, une formation d’électromécanicien en poche. A 17 ans, il a «tout de suite» adhéré à la CGT après un intermède jociste, la Jeunesse ouvrière chrétienne. Il a gravi les échelons pour totaliser trente-cinq ans de fond. «C’était moins dur qu’être à l’abattage du minerai, explique l’ancien délégué cégétiste, maintenant retraité, mais je n’ai pris conscience des nuisances et de l’aberration de l’exploitation minière qu’à la fin du gisement.»

Dans les années 70 cependant, assumant «ses contradictions», ce lecteur de Zola, abonné à Science et Vie depuis quarante ans, anticipe l’urgence à se battre pour l’environnement. Il manifeste contre l’ouverture de la centrale nucléaire de Fessenheim ou contre le projet d’usine polluante de Marckolsheim. A cette époque, il fait la connaissance de René Dumont, premier candidat vert à l’élection présidentielle de 1974. Puis il milite chez les Verts et EE-LV, avant d’en claquer deux fois la porte. «J’ai été déçu par le fait que le parti n’avance pas et soit dans les combats de chefs, regrette Jean-Claude Mensch. Et puis je ne peux pas concevoir que l’écologie ne porte pas les valeurs qui sont l’apanage de la gauche : la solidarité comme l’égalité !» D’un point de vue strictement personnel, il croit aussi à la sobriété, confirmant l’adage «ce qu’on demande à la société, on se l’applique d’abord à soi-même». C’est pour cela qu’il touche une indemnité de 1 200 euros à égalité avec ses adjoints, qu’il est végétarien, ne boit pas d’alcool, se déplace le plus possible à pied ou à vélo, bricole sa vieille maison et consacre au moins une heure par jour à son potager. Et qu’il prévoit désormais de «passer le flambeau», même s’il est inquiet de «l’accélération du réchauffement climatique» et qu’il aimerait continuer.

1946 Naissance à Ruelisheim (Haut-Rhin).
1983 Délégué syndical CGT.
1989 Elu maire d’Ungersheim (Haut-Rhin).
2006-2009 Encarté chez les Verts.
2016 Documentaire Qu’est-ce qu’on attend ? (désormais en DVD).

Florian Bardou photo Pascal Bastien pour «Libération»

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