
Philippe Lançon, président du jury du 46è prix du Livre Inter © Radio France / Anne Audigier
Lancement de la 46ème édition du prix du Livre Inter. Le président du jury cette année est l’écrivain Philippe Lançon, journaliste et romancier, primé en 2018 pour son livre « Le lambeau » dans lequel il racontait l’après-attentat de Charlie Hebdo.
Le Prix du Livre Inter est devenu au fil des années un prix littéraire influent et respecté. Cela tient à sa spécificité : un jury populaire (composé de 24 auditeurs-lecteurs, 12 femmes-12 hommes) qui délibère sous la présidence d’un écrivain. Un jury qui change chaque année – garantie d’indépendance – avec, comme seul critère, l’amour de la lecture.
Cette année, le président du jury est Philippe Lançon : journaliste, critique littéraire à Libération, chroniqueur pour Charlie Hebdo, il prend aussi la plume régulièrement, notamment en 2018 avec le récit « Le Lambeau » (ed. Gallimard), dans lequel il retrace l’attentat contre Charlie Hebdo et sa longue reconstruction.
« En vieillissant, on affirme moins ses dégoûts »
« Je travaille à Libération et Charlie Hebdo, ce qui caractérise ces journaux, c’est la liberté de ton. Il n’y aura pas non plus de ligne du parti dans ce jury » assure l’écrivain, qui revient aussi sur son travail de critique littéraire : « Je pense que je suis devenu plus bienveillant. Avec l‘âge on se fatigue d’exprimer ses dégoûts. En vieillissant ou en mûrissant, on est plus affirmé sur ses goûts, on a moins besoin d’affirmer ses dégoûts. Les années où j’ai eu la dent dure, c’était sincère, je lisais des livres qui m’énervaient. Peut-être aussi parce qu’on a moins d’énergie : l’agressivité nécessite de l’énergie ».
« Ce que j’ai vécu, et qui m’a amené à l’écrire, [dans "Le Lambeau", ndlr] m’a fait réfléchir au fait que je n’avais plus envie d’écrire des choses sans que ça passe par mon expérience directe. Ça réduit le nombre de sujet sur lesquels je peux parler. J’essaie de ne pas porter de jugement sur des gens, des phénomènes que je n’ai pas expérimenté de manière directe. C’est une morale essentielle, ça me permet de respirer ».
« Dans un livre, on peut trouver des perspectives, des nuances (…) de la vie d’un homme un groupe, et puis l’intériorité. C’est ce mélange qui fait le prix des livres que j’aime »
La lecture comme contre-culture
« Comme quand j’étais enfant ou ado, quand on lit énormément, on ne se fatigue jamais de lire. C’est une époque ou l’on avale tout, c’est une contre-culture. J’étais seul et je pensais le monde à travers ces livres, seul contre ce que la société me serinait. C’est cet acte fondamental qui reste important. Ce qui explique qu’un lecteur est toujours seul ».
À propos de l’affaire Matzneff, Philippe Lançon estime que « des écrivains il y en aura toujours, et dans ces écrivains, il y en aura qui sauront parler du mal, dans la société qui est la leur. Et il y aura toujours des gens qui voudraient interdire que l’on parle de certaines choses sous quelque forme que ce soit ».
« Le respect que l’on doit aux livres, c’est d’en parler. Celui-ci ["Le consentement", de Vanessa Springora] est un livre très bien fait, qui décrit ce qu’il veut décrire. Un histoire d’amour avec un homme de 50 ans qui a pouvoir de fascination sur une gamine de 13 ans. Il y a des tas de scène très réussies, a aucun moment elle ne la ramène, en cherchant dans sa mémoire des scènes qui l’ont traumatisée.
Quel regard porter sur la polémique autour du film « J’accuse » de Roman Polanski ? « Il y a discussion. Il y a clairement une volonté de faire en sorte que quelqu’un qui a commis ces actes, on ne puisse pas produire ses oeuvres (…) Il y a cette discussion très violente, mais beaucoup de gens sont allé voir ce film ».
De son état d’esprit actuel, Philippe Lançon explique : « Je suis perpétuellement fatigué, au point de me demander si ce n’est pas une névrose. C’est un état qui devient presque un rapport au monde. Et j’apprend à vivre avec un certain nombre de sensations, par exemple avec ma bouche, mais ce n’est qu’une sensation. Par exemple, si nous parlions pendant une heure, j’aurais l’impression de mâchouiller des pommes de terre et de vous recracher de la bouillie. J’ai du apprendre à ne pas me fier à des sensations physiques ».
Le calendrier
Mercredi 5 février 2020 : lancement du 46ème Prix du Livre Inter
Entre le 5 février et le 10 mars : envoi des candidatures.
Jeudi 26 mars : choix des jurés.
Dimanche 7 juin : délibérations
Lundi 8 juin : annonce à l’antenne du livre primé.