
I ] La fin d’un mythe : la religion du « progrès » et le culte de la croissance infinie
A) Une vision du monde en crise
Au sortir de la IIème Guerre Mondiale, une obsession s’exprime : ne pas répéter les mêmes erreurs et construire durablement la paix. Malgré les tensions de la Guerre Froide, la confiance en l’avenir est dopée en Occident par « les Trente Glorieuses », une période de forte croissance économique et d’amélioration des conditions matérielles dans les pays dits développés. Une croissance économique basée sur une croissance forte de la production industrielle, boostée par un accès aux énergies fossiles à bas coût. Dans les années 80 et suite à l’effondrement du bloc communiste, il y a cette croyance en la « Fin de l’Histoire ». Croyance selon laquelle les régimes représentatifs libéraux et l’économie de marché vont devenir un standard. Les guerres sont alors considérées comme de moins en moins probables : la libéralisation des échanges économiques, le triomphe de la société de consommation et la « démocratisation » du progrès technologique sont censés garantir la paix entre les peuples.
Ce récit correspond au régime de représentation de la partie de l’humanité qui a accès à un certain niveau de vie, aux biens et services qui y sont associés. Mais la confiance en ce récit s’émaille. Il perd du crédit. D’autant que notre « modèle de société » est de moins en moins perçu comme durable et équitable par une part croissante de la population (qui mesure ses externalités négatives au fil du temps) . La crise financière de 2008 et sa gestion cristallisent les doutes quant à la capacité de notre modèle de société à répondre aux enjeux de durabilité et d’équité. Une crise historique qui donne raison aux rares économistes qui l’avait anticipée. Malgré cela, les partisans de la dérégulation font profil bas et laissent passer l’orage pendant que les États épongent les dettes des banques qui sont « trop grosses pour faire faillite ». Conséquences : la crise des dettes « souveraines », et les politiques d’austérité qui s’ensuivront, inaugurent les années 2010.
C’est dans les années 2010 que les ingrédients de notre « modèle de société » sont mis à mal par une part croissante de la population… :
- Le Régime représentatif libéral souffre d’un déficit de légitimité et suscite la défiance d’une part de la population lorsque ce régime ne remplit plus sa fonction de représentativité
- La société de consommation est considérée comme excessive par les consommateurs lorsqu’elle produit massivement obsolescence programmée, gaspillage et déchets
- Le progrès technologique, accessible pour le plus grand nombre, mais dont les bénéficiaires s’interrogent : à quel prix social et environnemental ? et jusqu’à quand disposerons-nous des ressources nécessaires pour assouvir nos désirs high tech ?
- La stabilité et la paix semblent compromises dans un monde où les ressources essentielles et stratégiques se raréfient, notamment à cause de l’impact de profonds changements climatiques et environnementaux, auxquels notre modèle de société n’est pas étranger.
« La forte croissance démographique, la concurrence économique agressive et l’augmentation de la consommation, ainsi que la modernisation et l’urbanisation rapides, vont conduire à une exploitation et une pression intenses sur toutes sortes de ressources. Ces tendances seront aggravées par les conséquences du dérèglement climatique, des changements environnementaux et de l’aggravation de notre empreinte écologique. Par conséquent, la disponibilité et l’acheminement d’énergie, de nourriture et d’eau seront des enjeux vitaux. » Ministère britannique de la Défense, DCDC Global Strategic Trends Programmes 2007-2036, publié en 2007
Au cours des années 2010, de nombreuses publications interrogent directement ou indirectement notre modèle de société :
- 2012 : Publication de « Les Limites à la croissance (dans un monde fini) », qui actualise et confirme les modèles prédictifs du rapport Meadows publié en 1972. Les ravages de la poursuite d’un modèle « business as usual » y sont exposés.
- 2013 : Publication de « Le Capital au XXIème siècle »de Thomas Piketty (2,5 millions d’exemplaires vendus en 2017) qui démontre les inégalités abyssales que peut générer un capitalisme non régulé et démonte le préjugé selon lequel le développement économique s’accompagne mécaniquement d’une baisse des inégalités de revenu.
- 2014 : Publication du 5ème rapport d’évaluation du GIEC
- 2014 : Publication d’une Etude parrainée par le Goddard Space Flight Center de la Nasa
- 2017 : 15364 scientifiques tirent la sonnette d’alarme et constatent l’échec à prendre le problème des défis environnementaux à bras le corps et l’aggravation de ceux-ci
- 2018 : Publication par le GIEC du « Résumé à l’intention des décideurs politiques »
- 2018 : Tribune de Steve Keen et de Dany Lang sur l’imminence d’une crise financière au moins aussi importante que celle de 2008 (qui surviendra entre mai 19 et mai 21 selon leurs prévisions)
- 2018 : Publication du rapport de l’Agence Internationale de l’Energie mentionnant une contraction de l’offre de pétrole non conventionnel d’ici 2025 (sachant que le pic du pétrole conventionnel est derrière nous)
- 2019 : Publication du rapport de l’IPBES sur la Biodiversité mentionnant 1 million d’espèces menacées d’extinction au cours des prochaines décennies sur les 8 millions d’espèces animales et végétales
- 2019 : Publication du livre de Stéphane Linou, « Résilience alimentaire et sécurité nationale » Lauréat du Forum Risques Majeurs 2019
- 2019 : Publication du bulletin annuel sur les concentrations de gaz à effet de serre par l’Organisation Météorologique Mondiale. L’ONU affirme qu’il n’y a plus une minute à perdre pour éviter un emballement climatique incontrôlable.
- 2020 : Publication du rapport de l’association Les Greniers d’Abondance analysant les vulnérabilités de notre système alimentaire. Ce rapport s’accompagne d’un plan d’action à destination des collectivités territoriales pour développer la résilience alimentaire de la France
Le récit dominant prend l’eau. Au fil du temps, sa trame devient tantôt moins crédible tantôt moins désirable. A savoir une société pacifiée, « ouverte » fondée sur la libre concurrence. Une société dont « l’équilibre » dépend d’une croissance perpétuelle, de la libre circulation des marchandises. Ce récit, qui a forgé nos représentations du monde et de l’avenir depuis que nous sommes nés, contient en lui les germes de son autodestruction : extractivisme-consumérisme et anthropocentrisme en tête.
Nous entrons dans l’ère des risques systémiques propices à un effet domino : crise climatique, déclin vertigineux de la biodiversité (à la base de notre alimentation et de notre santé), crise sanitaire, disparition des terres arables, raréfaction des ressources vitales (stress hydriques) et stratégiques (pic pétrolier notamment), crise économique.
B) Collapsologie et théories de l’effondrement : de l’underground au mainstream
Avant de rentrer dans le vif du sujet et dans la chronologie des faits, quelques définitions s’imposent.
« La collapsologie est l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder » (Pablo Servigne, Raphaël Stevens)
Effondrement : « c’est le processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc.) ne sont plus fournis (à un coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi » (Yves Cochet).
9 avril 2015 : le terme « collapsologie » apparaît pour la 1ère fois dans l’ouvrage de référence « Comment tout peut s’effondrer : petit traité de collapsologie à l’usage des générations présentes et à venir » (Pablo Servigne et Raphaël Stevens). En moins de 5 ans, c’est près d’1/5 des français qui a déjà entendu parler de ce terme. Avec une « croissance des publications médias de 650% de 2018 à 2019 (source Europress) : « 650 articles dans la presse écrite en 2019 contre 100 en 2018 et à peine une trentaine les années précédentes ».
Si elle a récemment fait irruption dans les médias mainstream, la « collapsologie » ne date pas d’hier. Parmi les premiers lanceurs d’alerte (concernant les risques d’effondrement liés à notre modèle de civilisation et la poursuite d’un scénario « business as usual ») on retrouve le couple Meadows et le Club de Rome qui ont publié Les Limites à la croissance (dans un monde fini)…en 1972. Tous les collapsologues (y compris ceux qui refusent ce qualificatif pour eux-mêmes[1]) se réfèrent à cet ouvrage.
Comment la collapsologie est-elle passée de l’ombre à la lumière ? De l’underground au mainstream ? La séquence de l’été 2018 inaugure une série d’articles qui n’est pas étrangère à la propagation des théories de l’effondrement dans l’opinion :
- 28 juin- 2 juillet- 4 juillet : Edouard Philippe mentionne à 3 reprises, face caméra, un de ses auteurs favoris, Jared Diamond et son best-seller « Effondrement » (« Collapse »). Merci à Clement Monfort pour cette compilation qui fera partie de l’Histoire.
- 20 juillet 2018 : Arrêt sur Image consacre une série d’été consacré à l’effondrement
- 6 août : 20 minutes consacre une série de 8 articles intitulée « Apocalypse Now »
- 28 août : démission de Nicolas Hulot, analysée par TV5Monde
- 29 août : Le Point confirme les températures ressenties par les Français. L’été 2018 est le 2nd le plus chaud enregistré (2019 sera le 3ème…)
- 3 septembre : appel de 200 personnalités pour sauver la planète, publié dans Le Monde
- 7 septembre : 700 scientifiques français lancent un SOS face à l’urgence climatique, relayé par Franceinfo
- 8 octobre : Le Monde évoque le rapport du Giec « Résumé à l’intention des décideurs politiques » le jour de sa publication
- 7 novembre : Libération aborde également le sujet en publiant un article « Effondrement, le début de la fin »
- 23 novembre : LCI publie une série de 6 articles intitulés « La fin d’un monde »
Sans parler des initiatives citoyennes qui ont été relayées dans les médias, telles que « Le manifeste étudiant pour un réveil écologique » (septembre 2018), « Il est encore temps » (8 octobre 2018), L’affaire du siècle (18 décembre 2018).
Si l’on regarde dans le rétroviseur, cette séquence exprime la manière dont la collapsologie et les théories de l’effondrement ont fait irruption dans les médias. Cette thématique a mis à mal les représentations du monde et de l’avenir d’une partie de la population. Néanmoins, si 1/5 des français en a déjà entendu parler…la collapso reste encore largement tabou et suscite le malaise en société.
« La propension d’une communauté à reconnaître l’existence d’un risque serait déterminée par l’idée qu’elle se fait de l’existence de solutions. » Jean-Pierre Dupuy
II ] Données scientifiques et imaginaire : l’effondrement est un récit qui en appelle un autre
L’effondrement suscite le malaise parce qu’il n’est pas en soi un nouvel horizon. Il est le récit de la fin d’un récit. Il n’est pas un récit en soi…A quelques imaginaires hollywoodiens près. La thématique de l’effondrement interroge notre rapport à la finitude et aux souffrances de toutes natures qui pourraient y être associées. C’est la raison pour laquelle, à l’instar de la mort, l’effondrement est un sujet tabou, propice à l’activation d’un mécanisme psychologique : le déni.
A) Au-delà du cliché : portrait-robot des collapso
« Espérer le meilleur et se préparer au pire : c’est la règle » Fernando Pessoa
Pour le grand public, la collapsologie est souvent réduite à une de ses personae. Une persona emblématique au point d’éclipser tout le reste : le Survivaliste. Dans l’imaginaire populaire, le survivaliste et par extension les collapso sont des individus souvent fanatisés, « adeptes » de la « fin du monde », se préparant à vivre dans un bunker, pour faire face à un monde où le chacun pour soi est la seule règle qui vaille. A l’inverse des clichés, les collapso sont « soucieux de partager et de coopérer avec autrui […] aussi bien au niveau de l’habitat que des échanges ou des connaissances [2]. » Par ailleurs rares sont ceux qui croient en la fin du monde. Ils sont en revanche convaincus d’une chose : la fin du monde tel que nous le connaissons approche…
C’est bien connu : quand on a peur de quelque chose, il est humain de chercher à le mettre à distance. Pour le mettre à distance, rien de mieux que la caricature. La fonction apparente de la caricature est de disqualifier ce qui est caricaturé. Sa fonction profonde est, quant à elle, d’éviter l’intégration d’une donnée qui pourrait mettre à mal la représentation que nous avons du monde et de l’avenir. C’est la fonction du biais de normalité : croire que l’avenir ressemblera au passé, nous amenant à sous-estimer les risques et les signaux avant-coureurs. Dans cette perspective, on a trop tendance à voir la paille dans l’œil du voisin et pas la poutre dans le nôtre. La complaisance dans la caricature et nos projections produit une ignorance consentie. Ignorance qui nous protège a priori du ridicule parce que nous faisons partie de la majorité (pourtant prisonnière du biais de normalité).
La collapsologie est un phénomène social amené à prendre de l’ampleur, si les faits continuent de plaider en sa faveur. Alors, au-delà du cliché survivaliste, on s’interroge : quel est le sociotype de celles et ceux qui se reconnaissent dans cette discipline ? Comment sont-ils devenus collapso ?
60% des collapso sont des hommes et 65% (hommes et femmes confondus) sont des urbains. Ils sont très diplômés (85% ont suivi des études supérieures) et ont entre 34 et 38 ans. Ils ont développé une forme « d’expertise profane » : adeptes des médias alternatifs, ils sont à l’aise avec le traitement de l’information scientifique et exercent leur esprit critique[3]. C’est leur exposition à certaines études scientifiques (climat, énergie, biodiversité, fertilité des terres…) et leur recoupement qui les a amenés à croire aux théories de l’effondrement. S’ils croisent les données scientifiques pour faire le tour de la question, ils ont eu, chacun à leur manière un «Oh My God Point » (selon l’expression de Pablo Servigne) : une prise de conscience liée à l’intégration d’une information qui bouleverse leur représentation du monde et de l’avenir, allant jusqu’à resignifier leur existence (le rapport qu’ils ont à eux-mêmes et aux autres, ainsi que le sens qu’ils donnent à leurs actes quotidiens).
Chaque collapso se rappelle de son « Oh My God Point ». Il peut s’agir par exemple de :
- La prise de conscience des conséquences du pic pétrolier ou d’un dépassement de la trajectoire 2°C (et au-delà des liens entre climat et énergie exposés ici ou là)
- La prise de conscience des conséquences d’une disparition possible des insectes pollinisateurs (abeilles), vers de terre et de l’effondrement en cours de la biodiversité en général ou encore d’une disparition progressive des terres arables
- Sans parler de la « big picture » : la prise de conscience de l’intrication entre énergie, climat, biodiversité, alimentation, santé…
Le « OMG Point » constitue un point de non-retour : il y a un avant et un après. Les collapso développent une pensée systémique. Ils sont au stade 4 ou 5 de l’échelle de Chefurka. Ce ne sont pas des solutionnistes : ils considèrent que certains problèmes n’ont pas de solution et doivent malgré tout être intégrés et pris en compte, pour vivre mieux individuellement et collectivement. Notamment pour ne pas se trouver dépourvus et adopter des comportements qu’ils réprouveraient quand la bise viendra. Une fois qu’ils ont intégré le collapse comme un donné existentiel, les collapso se tournent vers deux voies complémentaires selon les termes de Chefurka :
- Un chemin extérieur qui les conduit vers l’action et l’organisation au point de changer leurs habitudes de vie. Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan les appellent les collapsonautes : ils développent un intérêt et des compétences pour des domaines tels que la permaculture ou les low-techs. Contrairement à une image répandue dans les médias, peu d’entre eux rompent complètement avec leur mode de vie antérieur (« autonomie totale, changement complet d’horizon professionnel, vie extrêmement frugale »[4]).
- Un chemin intérieur qui les amène à développer une spiritualité personnelle, à devenir à la fois « méditants et militants ». En lien avec les thèses de Pablo Servigne, Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan les appellent les collapsosophes : Le « OMG Point » peut provoquer une métanoïa féconde porteuse de nouveaux récits. Autrement dit, « un brusque changement du regard, un élargissement du champ de conscience amenant à une nouvelle éthique » [qui engendre] une nouvelle façon d’être au monde [5] » …et embrasse tous les aspects de la vie (dont la mort fait partie).
B) L’effondrement interroge notre rapport à la finitude
« On ne se libère pas d’une chose en l’évitant, mais en la traversant. » Cesare Pavese
Les théories de l’effondrement étaient considérées comme farfelues il y a quelques années. Leurs partisans sont de moins en moins considérés comme catastrophistes ou tout simplement pessimistes. Il y a des chances qu’ils soient perçus demain (à tort ou à raison) comme des lanceurs d’alerte.
Si la collapsologie peut jouer un rôle d’alerte grâce à une approche transdisciplinaire, elle peut manquer sa cible. D’abord à cause de son nom : sa racine « collapse ». Clivante, elle déchaîne les passions et les imaginaires dystopiques à la Mad Max, Walking Dead … Le terme « effondrement » a des connotations brutales, et revêt une dimension soudaine. L’usage de ce terme ne rend pas audible la possibilité d’un processus long (l’effondrement a déjà commencé pour certains et s’entend au pluriel). Certains tiennent à rester prudent pour décrire l’état de la situation et préfèrent l’usage du terme « déclin » à celui « d’effondrement ». D’autre part, prononcer le terme « effondrement » peut être synonyme de tétanie :
- Les théories de l’effondrement sont aujourd’hui subversives…parce qu’à la manière du rapport Meadows, elles sont solubles dans les faits. Ces théories de l’effondrement sont considérées comme dangereuses par certains, car elles peuvent alimenter des mouvements de désobéissances civiles tels que Extinction Rebellion ou des organisations telles que Deep Green Resistance, qui en appellent au démantèlement de la civilisation thermo-industrielle par tous les moyens.
- En société, l’évocation de l’effondrement (en cours ou à venir) suscite désormais davantage le malaise que des sourires en coin. Le discours collapso ne fait plus rire : il fait fuir car il fait peur…parce qu’il commence à être pris au sérieux (quand il est bien sourcé). Parlez d’effondrement sans évoquer la perspective de ce qui pourrait lui succéder et comment chacun pourrait y contribuer…et vous verrez les pavillons se fermer. La collapso fait peur car elle nous rappelle que nous sommes vulnérables. Que nous risquons d’être exposés à des souffrances…que nous ne voulons pas envisager [6]. La fin du monde tel que nous le connaissons nous rappelle par contraste que nous, et ceux que nous aimons, sommes mortels.
Je me souviens avoir assisté à une discussion où il était question des limites du système Terre et des boucles de rétroaction climatiques, énergétiques, écologiques, sanitaires, économiques en lien avec la production et l’approvisionnement alimentaire. Je me souviens de la réaction d’un convive empreinte de sidération et d’ironie entremêlés : « On va tous crever ! » Et de la réaction amusée d’une autre : « ça c’est sûr ! ». Je me souviens des rires qui ont suivi cette séquence. On a trop tendance à l’oublier. On passe une partie de notre temps à le refouler : né, nous sommes condamnés à vivre/mourir. La collapso suscite le malaise parce qu’elle est le retour de ce refoulé.
« Le problème c’est qu’on a peur de mourir. On a tellement peur de mourir et tellement besoin de trouver une explication au fait qu’on soit sur cette planète et qu’on sait que notre existence va s’arrêter, qu’on met en place tout un tas de stratégies pour se protéger. Des stratégies qui sont à la fois des stratégies de domination (ou des autres individus, ou des autres espèces), des stratégies pour jouir ; donc divertir notre attention de cette terreur (l’industrie du divertissement est là pour nous faire oublier notre peur fondamentale). » Cyril Dion, interviewé par Clement Montfort (juin 2018) dans la Web-Série Next
Contrairement aux idées reçues, le pessimisme n’est pas un trait de caractère commun aux collapso. Parmi eux, « les optimistes actifs » sont les plus susceptibles de développer « une réflexion philosophique, psychologique ou spirituelle » à partir de « la notion de fin (fin des ressources, fin des espèces, fin de la société consumériste, fin de la vie).[7]»
Les collapsosophes sont sensibles à la question du « Récit ». Autrement dit la manière dont nos croyances structurent inconsciemment nos représentations du monde et de l’avenir. La notion de Récit les touche parce qu’ils ont vécu dans leur chair l’effondrement de leurs croyances quand ils ont croisé(es) les données collapsologiques. Ils ont ainsi découvert les lunettes à travers lesquelles ils voyaient le monde, au moment où elles se sont brisées. L’expérience de la courbe du deuil est une quasi-constante chez les collapsosophes. Ils en sortent d’autant plus grandis qu’ils ont appris à accueillir leurs vulnérabilités, la vulnérabilité de ce(ux) qu’ils aiment (en suspendant leurs jugements) et l’impermanence en général. Cette expérience peut faire d’eux des symptomatologues de leur époque qui n’est autre qu’un tissu de récits. Extractivisme, consumérisme et anthropocentrisme sont le carburant du récit dans lequel nous sommes nés : l’inconscient collectif de notre époque.
En ce sens, un nouveau récit [8], conscient de lui-même, est une question de vie ou de mort.
III ] La voie de la résilience : acquérir des savoirs et savoir-faire, créer des liens et du sens pour vivre mieux (avec moins)
La collapsologie permet à ceux qui la pratiquent de développer une pensée systémique et une vision long terme. Cette pensée et cette vision sont propices à l’anticipation des risques majeurs et favorisent la conception de plans d’action voués à réduire l’impact et panser une éventuelle catastrophe. Même si le colloque « Penser l’effondrement systémique » n’a pas eu le traitement médiatique dont il aurait dû bénéficier, une Institution a pour la première fois exposé le problème.
Considérant que l’illustration facilite la compréhension, essayons d’illustrer la nature systémique de la pensée collapsologique :
- La crise écologique et l’effondrement de la biodiversité n’est pas étrangère à la crise sanitaire du Covid-19 – F.Keesing (2006)- A. Kilpatrick (2017)- K. Kupferschmidt (2019)
- L’extractivisme (à l’origine de la crise climatique) n’est quant à lui pas étranger à un fléau sanitaire dont on parle peu – OMS, European Society of Cardiology, European Heart Journal, The Lancet, Clean Air for Europe
- La crise sanitaire du Covid-19 ne fait que précipiter une crise économique et financière déjà gravée dans le marbre -S. Keen-D. Lang (2018), G. Giraud, J-L Ginder, G. Ugueux (2019)
- La crise sanitaire du Covid-19 va précipiter une crise énergétique (pétrolière) déjà gravée dans le marbre – M. Cordiez-B.Louvet (2020) et sur le second item Agence internationale de l’énergie (2018), P. Pouyanné PDG Total (2018), J-M Jancovici, M. Auzanneau, La revue parlementaire (2019)
- Par effet de conséquence, la crise (de l’offre) pétrolière entérinera l’impossibilité d’un «retour à la normale» au niveau économique, et pourrait engendrer une crise alimentaire dont nous goûtons les prémisses avec le Covid-19 ONU, OMC, FAO (si la déplétion de cette ressource stratégique n’est pas envisagée plus tôt)
Il est plus que temps de créer les conditions de notre résilience individuelle et collective pour amortir les chocs qui se profilent. De notre capacité à agir et à nous organiser localement aujourd’hui, dépend notre capacité à vivre mieux demain.
A) Autonomie et DIY : techniquement, c’est possible
Qu’on le veuille ou non, nous allons devoir trouver des alternatives à l’usage de plastique et de pesticides dans les années 2020. En effet, la fin d’un pétrole abondant et bon marché n’est pas seulement synonyme d’une tension sur le secteur des transports (Trente mille semi-remorques traversent chaque jour notre pays pour approvisionner en flux tendus usines, entrepôts et enseignes de la grande distribution, où sont réalisés 87 % des achats alimentaires et plus globalement, 99% de nos produits quotidiens sont transportés par les professionnels de la route). Un grand nombre d’objets et d’ingrédients qui entrent dans la composition de notre quotidien sont produits à partir de dérivés de pétrole [9] : 99% des plastiques, une majorité des textiles (nylon, polyester…), médicaments, détergents, caoutchouc, adhésifs, bouteilles de gaz (butane, propane), fioul, gazole, routes, de nombreux engrais et pesticides, dentifrice, colle, téléphones et ordinateurs [10], parapluies, rouge à lèvres et de nombreux produits cosmétiques, tuyaux d’arrosage, skate-boards, lessive, pansements, rollers, ampoules, peintures, appareils photo, lunettes de soleil…
Le pic pétrolier à venir inaugurera l’ère de la fin de l’abondance. Le DIY deviendra la règle. Le réusage une question de bon sens plus que d’éthique personnelle. L’accès à un confort qui semble aujourd’hui être un standard pourrait se monnayer très cher…A moins de disposer individuellement et collectivement des matières premières, savoirs et savoir-faire qui permettent d’y accéder par soi-même. « Cultiver soi-même et se cultiver (pour apprendre à faire soi-même) » pourrait être un nouveau mode de vie, érigé au rang de philosophie pratique. Nous avons perdu les savoirs et savoir-faire ancestraux de nos grands-parents : l’accès à une énergie fossile abondante et bon marché a permis une division du travail et une perte d’autonomie croissante. Dit autrement, nous sommes passés d’une autonomie entendue comme capacité à faire soi-même à une autonomie entendue comme indépendance financière prodiguant à celui qui la possède les biens et services désirés. Mais cette autonomie au second degré est toute relative, car elle implique d’être en mesure de déléguer à d’autres ce que nous considérons comme essentiel pour nous : produire sa nourriture, se chauffer, se vêtir, se soigner, se protéger. Sans parler du reste de la Pyramide des besoins [11]. Aujourd’hui, il serait sage de reconsidérer l’autonomie au premier degré. Sage d’acquérir des compétences techniques nous permettant de répondre à nos besoins essentiels. Sage de porter un regard neuf et apaisé sur la base de la pyramide de Maslow. Sage d’apprendre et de partager maintenant pour vivre mieux demain.
Voici une liste non exhaustive de savoirs pratiques à acquérir pour vivre mieux demain : permaculture, reconnaissance des plantes médicinales et comestibles, bricolage dans une perspective low-tech [12], couture, travail du bois, écoconstruction, gouvernance partagée, monnaie libre…
Il ne s’agit pas pour autant de devenir Mc Gyver à tout prix. Il faut garder la tête froide : les savoirs pratiques (savoir-faire) et les savoirs relationnels (savoir-être) vont de pair. Tout comme l’autonomie et l’interdépendance. Dit autrement, même le plus expert d’entre tous ne saurait aller bien loin sans l’aide des autres. Sans la capacité à s’intégrer et à se mettre au service du collectif.
B) Apprendre à vivre mieux ensemble, une compétence en soi : prendre soin du collectif, c’est prendre soin de soi
Le yoga, la méditation, la communication non-violente… ces pratiques et usages sont à la frontière entre nous-mêmes et les autres. Ces « techniques de soi» (cf. Michel Foucault [13]) cultivent autant notre autonomie (physique, émotionnelle, psychique, économique) qu’elles contribuent à améliorer qualitativement « l’être-ensemble ». Ces techniques nous permettent de vivre mieux (d’être davantage en paix avec nous-mêmes et d’être plus ouverts et disponibles aux autres). Elles nous permettent d’apprivoiser en pratique notre striatum [14] , le pléonectique [15] qui caractérise sapiens et s’exprime en lui à travers ses excès.
Des pratiques qui nous permettent de vivre mieux, davantage en conscience sont à adopter le plus tôt possible. Car même si nous n’y occupons pas tous la même place, nous sommes dans le même bateau. Pablo Servigne évoque souvent le fait que si notre civilisation thermo-industrielle venait à s’effondrer, ce ne serait pas une première dans l’Histoire. Avant d’ajouter aussitôt : l’effondrement de notre civilisation pourrait avoir ceci de singulier qu’il pourrait être le plus brutal jamais enregistré. Il pourrait arriver sans crier gare. Une soudaineté liée à la nature même de nos systèmes mondialisés, se traduisant par des pénuries (auxquelles nous sommes peu habitués en Occident), susceptibles de se produire quasiment « du jour au lendemain »[16]. En effet, si les déclins d’autres civilisations ont été progressifs (comme ce fut le cas pour l’empire romain), notre civilisation est planétaire et peu résiliente compte-tenu de la relative centralisation des lieux d’extraction des ressources fossiles et des lieux de production de matières premières. Cette configuration est propice à un effet domino sans précédent dont la crise sanitaire du Covid-19 pourrait être les prémisses ou un avant-goût. Cette crise sanitaire a révélé les vulnérabilités de notre modèle de société extractiviste à flux tendus :
- «Il y a partout dans le monde des tensions très fortes sur l’approvisionnement pour un certain nombre de molécules et de médicaments » comme l’a annoncé Edouard Philippe dans son allocution télévisée du 2 avril. Cette crise sanitaire a eu le mérite d’éveiller les consciences : cette épidémie doit « nous interroger sur notre dépendance stratégique, en termes d’approvisionnement, sur certaines filières» annonçait Bruno Lemaire fin février 2020. Ajoutant que la Chine est devenue le « producteur de 80 % des matières actives servant à la fabrication des médicaments ». La Chine produit en effet 90 % de la pénicilline, 60 % du paracétamol et 50 % de l’ibuprofène selon La Croix.
- Notre sécurité alimentaire fait également l’objet de sérieuses interrogations. A quelque chose malheur est bon : « Déléguer notre alimentation est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle. » affirmait Emmanuel Macron dans son allocution télévisée du 12 mars 2020. Il faut espérer que cette crise donne l’occasion et la volonté aux territoires de développer leur autonomie alimentaire…et d’anticiper une production alimentaire post-pétrole. Cette anticipation est d’autant plus nécessaire que « le degré d’autonomie alimentaire des 100 premières aires urbaines françaises n’est que de 2 %. Autrement dit, 98% de l’alimentation est composée de produits agricoles « importés » alors que dans le même temps 97% des produits agricoles locaux sont « exportés ![17]». La bonne nouvelle, c’est que la crise sanitaire du covid-19 a mis en lumière les travaux de l’association « Les Greniers d’Abondance » sur la résilience alimentaire. Pour participer à une large diffusion de leur rapport intitulé « Vers la résilience alimentaire : faire face aux menaces globales à l’échelle des territoires », c’est par ici.
Des initiatives qui incarnent et des outils qui rendent possibles la résilience sont déjà à l’œuvre. Ils illustrent comment nous pourrions vivre mieux demain tout en faisant face à des crises structurelles vectrices de pénuries :
- Certaines communes françaises font figure d’exemples dans le domaine de l’autonomie alimentaire et plus largement en tant que ville en transition. C’est le cas d’Ungersheim, une ville de 2300 habitants située à proximité de Mulhouse. Pour des questions écologiques (de bon sens), et développer sa résilience, cette ville cultive 8 hectares de légumes avec une exploitation maraîchère communale permettant à toute la population d’être nourrie en cas de crise alimentaire.
- Fondé par Alexandre Boisson, le site SOS maires fournit de précieuses informations aux Maires de France, afin qu’ils soient conscients du rôle et des responsabilités qui leur incombent…car ils se retrouveraient « en première ligne face à l’effondrement ». Le site « SOS Maires » fournit également des outils pour aider les conseils municipaux à « développer l’autonomie alimentaire et énergétique de leur commune » et propose à chaque citoyen des « kits d’actions » pour inviter les élus locaux à s’inscrire dans cette démarche.
- Pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire du Covid-19, certains citoyens se sont organisés pour développer les circuits-courts. Soucieux de leur approvisionnement alimentaire et solidaires envers les producteurs locaux. Une initiative à la fois sociale, environnementale et surtout de bon sens en cas de rupture des chaînes logistiques. La résilience est à ce prix : mettre la main à la pâte, rendre service, s’entraider, mettre à disposition ses compétences et en acquérir de nouvelles au contact des autres. On n’est jamais résilient tout seul. On est difficilement résilients à plusieurs dans la durée. Ainsi, la résilience est optimale lorsqu’elle s’organise à l’échelle d’un territoire (d’une commune ou d’une communauté de communes) où autonomie et interdépendance sont inextricables.
Être courageux et soudés devant l’adversité, pour retrouver le goût de l’essentiel et la saveur du partage, est la tâche de notre génération. Apprendre à mieux nous connaître (et à mieux se connaître) est un préalable indispensable pour y parvenir, compte-tenu de l’ampleur de la tâche (dans le contexte de la décennie qui s’ouvre).
« Le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage. Le remède à la misère, c’est le partage dans l’esprit de pauvreté. » Abbé Pierre, Discours au Palais des Congrès, Paris, 23 novembre 1984
IV ] Prospective, gestion des risques majeurs et dynamique des systèmes : Retour vers le futur
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité. Un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » Winston Churchill
« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots » Martin Luther King
A) Globalement : déclin ou effondrement ? telle est la question…
Est-ce que « l’effondrement » est inéluctable ? Non, mais le crash brutal et généralisé de notre civilisation fait néanmoins partie des scenarii possibles. Une chose est certaine : nous allons vers une déplétion des ressources énergétiques et matérielles. Compte-tenu des rapports et études scientifiques précités dans des domaines aussi divers que l’énergie, l’alimentation, la santé, la biodiversité ou le climat, il y a deux grandes options : le déclin ou l’effondrement de notre modèle de civilisation thermo-industrielle.
Le déclin serait synonyme d’une crise locale ou globale qui, si elle laisse des traces, n’empêcherait pas notre civilisation extractiviste, consumériste et anthropocentrée de « repartir comme en quarante ». Notre serions alors dans une volonté de « retour à la normale »…en mode dégradé : « de plus en plus de contraintes et de moins en moins de moyens pour y répondre : un déclin sans effondrement spectaculaire [18] ».
L’effondrement est le scénario selon lequel une crise survient de telle manière qu’elle empêche, qu’on le veuille ou non, un « retour à la normale ». Ce serait notamment le cas d’une crise énergétique telle qu’une rupture de l’approvisionnement pétrolier (97% du pétrole de l’Hexagone est importé) ou une crise qui engendrerait celle-ci [19]. Ce scénario est celui d’un effet domino : en touchant un point névralgique du système, ce dernier s’effondre par effet de contagion.
- Le déclin présente l’avantage de permettre aux populations concernées de prendre conscience de leurs vulnérabilités. Ainsi, elles peuvent préparer les conditions de leur résilience future, quand elles ont cette chance, pour anticiper un nouveau choc. Anticiper et agir en amont pour éviter (tant que faire se peut) les traumatismes et souffrances physiques ou psychiques qui pourraient résulter d’un effondrement. En revanche, l’inconvénient du « scénario déclin », c’est la tentative de rétablir un semblant de « business as usual », donc la poursuite de la dégradation de la biosphère, des conditions de vie et d’habitabilité de la planète selon l’équation « énergies fossiles = C02 = réchauffement climatique = impact sur la biodiversité/le vivant = augmentation du risque de crises sanitaires et migratoires. Dans le scénario du déclin, chaque pallier vers le 36ème sous-sol fait le lit d’une dégringolade progressive mais inexorable.
- L’inconvénient du « scénario effondrement » est l’impréparation de la population (malgré l’alerte que constitue la crise sanitaire du Covid-19 et la prise de conscience de notre vulnérabilité). Si ce scénario fait effraction dans le réel, les conséquences seraient dramatiques pour les populations (des pays développés, qui tomberaient de l’armoire) [20]. A quelque chose, malheur est bon : l’effondrement brutal et généralisé serait l’occasion de régénérer les écosystèmes et de stopper nettes les émissions de CO2. La crise sanitaire actuelle démontre en live l’impact de nos activités sur le système Terre (si cela restait encore à prouver).
B) Localement : délitement ou renforcement des solidarités ? la réponse dépend en partie de vous…
La crise sanitaire du Covid-19 a mis en lumière nos vulnérabilités. Dans un contexte d’urgence climatique et environnementale, certains y voient un signe pour préparer « Le Jour d’après » ou « Le Monde d’Après ». Quel que soit notre avis personnel sur cette question, qu’on le veuille ou non, le « Monde d’Après » arrivera (avec ou sans notre concours). Si l’on raisonne en termes de gestion des risques et de dynamique des systèmes, il paraît important d’anticiper un « Monde d’Après » post-pétrole (issu de la contraction de l’offre pétrolière due à une baisse du taux de retour énergétique combinée à une augmentation de la demande mondiale). Car qui dit pénurie de pétrole dit pénuries protéiformes qui pourraient affecter la qualité du vivre-ensemble, exacerber les tensions à tous les échelons et potentiellement notre intégrité physique et psychique. Il suffit d’observer les comportements en magasin lors d’un Black Friday, lors d’une promo de Nutella à -70% ou encore la manière dont les supermarchés ont été pris d’assaut avant la période de confinement…La solidarité, ça se cultive, ça ne se décrète pas. Alors autant s’y prendre le plus tôt possible pour apprendre à tendre la main et développer notre empathie envers nos proches et ceux dont nous nous sentons moins proches.
En effet, la solidarité et l’entraide, nous allons en avoir besoin dans une société post-pétrole [21]. Les déplacements de proximité, les échanges en « circuits courts » et le DIY seront la règle. Même les plus débrouillards auront besoin des autres ! Les plus isolés, les moins connectés à leur territoire de vie et à ceux qui y vivent seront les plus vulnérables. Aussi préparés soient les plus survivalistes des collapso, la stratégie de l’isolement ne tient pas dans la durée…car on tombe toujours sur plus fort ou plus rusé que soi. Cependant, être en lien, entretenir de bonnes relations avec ses voisins est une condition nécessaire mais insuffisante pour être résilient dans la durée. La résilience se cultive à l’échelle d’une commune ou d’une communauté de communes, notamment au niveau alimentaire et énergétique [22].
Ainsi, être résilient ; cela s’acquiert :
- En développant notre autonomie, c’est-à-dire nos compétences techniques en lien avec la pyramide des besoins
- Ces compétences vont permettre à celui qui les possède de les mettre en partage pour bénéficier des savoir-faire de ses pairs au sein d’un réseau d’entraide
- Ce réseau d’entraide doit s’organiser à l’échelle d’un territoire, notamment sur les questions énergétiques et alimentaires, afin d’être résilient sur le long terme
« Gouverner, c’est prévoir : la meilleure manière d’assurer la paix, c’est de devancer les complications susceptibles d’amener la guerre » Emile de Girardin
Si l’on raisonne en termes de gestion des risques et de dynamique des systèmes, il faut imaginer ce que représente en nombre de vies humaines et souffrances associées la non-anticipation d’une éventuelle civilisation post-pétrole. D’un point de vue prospectiviste, le coût paraît exorbitant. C’est la raison pour laquelle, cette probabilité doit être prise très au sérieux. La sagesse nous enjoint donc à nous préparer (à tous les niveaux) à ce type de scénario :
1- D’abord avoir conscience des risques pour être résilient psychologiquement…
2- Réduire notre consommation aujourd’hui pour ne pas souffrir de nos habitudes addictives demain
3- Acquérir des compétences techniques (savoir-faire) et comportementales (savoir-être) qui nous permettront d’être individuellement et collectivement plus résilients (à l’échelle de nos territoires de vie). Ainsi, les élus locaux ont un rôle clé à jouer, comme chacun d’entre nous, à l’échelle de nos communes. Pour continuer à exister dans ce « Monde d’Après » pétrole, les entreprises devront réorienter une partie de leur business (qui ne sera plus jamais « as usual »), se recentrer sur les besoins essentiels des populations pour ne pas disparaître. Il n’y aura pas de résilience durable et désirable sans un lien étroit entre un territoire, les entreprises qui s’y inscrivent et les citoyens qui y vivent.
4- Être porteur d’une éthique qui, à notre échelle, consiste à anticiper, prévenir et guérir les souffrances physiques et psychiques qui pourraient accompagner ce « Monde d’Après ». Notamment, prendre conscience que nos actes et nos choix (même les plus anodins) peuvent constituer des nuisances ou des opportunités pour le collectif. Autrement dit : privilégier le collectif et prendre soin des êtres vivants, au-delà de soi
5- Investir un récit désirable, l’incarner en soi, pour que l’ancien (extractiviste, consumériste et anthropocentré) fasse partie du passé. Un passé exorbitant.
Vers un nouveau Récit : Renouer avec notre condition d’être vivant
« Féconder le passé pour engendrer l’avenir, tel est le sens du présent » Friedrich Nietzsche
A) Renouer avec la « nature » : se réinscrire dans « la communauté des êtres vivants »
Le « péché originel » de notre civilisation extractiviste, consumériste et anthropocentrée est d’être hors-sol. L’usage d’une énergie abondante et bon marché a renforcé notre croyance et notre sentiment « d’être-à-part-du-reste-du-vivant ». Le ver était dans le fruit : le concept même de « nature » traduit implicitement l’extériorité de notre espèce vis-à-vis du reste du vivant [23]. Notre langage forge nos représentations et impacte ainsi notre rapport « au monde ».
C’est ainsi que nous sommes trop souvent pris malgré nous dans les rets du récit dominant. Récit dans lequel nous baignons sans forcément le savoir. En regardant notre civilisation fonctionner, nous pouvons déduire (sans être exhaustif) quelques éléments constitutifs du récit dominant qui façonne notre monde :
La nature (le vivant et le reste) est avant tout une source de matières premières inépuisables dédiées à la prolongation de l’espérance de vie et au confort des êtres humains (pour ne pas dire au confort d’une minorité d’entre eux)
L’Homme est séparé d’une nature dont il est « maitre et possesseur »
Le progrès et la high tech sont synonymes
En somme, nous agissons comme si une croissance infinie dans un monde fini était possible. Nous exploitons le vivant au profit d’une partie d’entre nous, au mépris des souffrances que cela engendre sur d’autres êtres vivants, présents et à venir. Au fond de nous, nous savons que ça ne peut pas durer. Nous préférons oublier que nous sommes vulnérables et mortels. Ainsi nous essayons de conjurer notre finitude à travers des vanités. Des vanités qui s’expriment à travers notre appétit consumériste ou encore notre avidité.
Il est plus que temps de s’extirper de ce récit morbide, de « changer de lunettes », pour sauver ce qui peut encore l’être…y compris nous-mêmes. Car ce récit n’est pas seulement toxique pour le vivant…il l’est aussi pour nous. Normal : par effet de contagion, ce qui est toxique pour le vivant est toxique pour nous, étant donné que nous ne sommes pas séparés de l’écosystème Terre, notre habitat. Pour changer de récit, il faut redéfinir les termes qui nous lient et nous relient « au monde ». En considérant notamment la « nature » comme la « communauté des vivants », nous changeons de perspective, pour ne pas dire de dimension. Ainsi, nous achevons de nous considérer comme supérieurs et tentons de réintégrer notre juste place [24] : maillon de la chaîne des vivants à laquelle nous appartenons et dont notre survie dépend.
« Tout ce qui arrive à la Terre, arrive aux fils de la terre. Ce n’est pas l’Homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même. La Terre n’appartient pas à l’Homme, c’est l’Homme qui appartient à la Terre ». Chef indien Seattle, 1854
B) Renouer avec les fondamentaux : se réapproprier nos conditions d’existence, construire un écosystème local et s’y réancrer
« Écouter la forêt qui pousse plutôt que l’arbre qui tombe » Friedrich Hegel
Les crises ont une fonction : elles viennent requestionner l’état de nos vulnérabilités et les menaces auxquelles nous sommes exposés. Une crise remet sur le devant de la scène des questionnements universels, sur lesquels il est important de porter un regard neuf. Comment assurons-nous la satisfaction de nos besoins vitaux de manière générale ? Quels sont les risques en la matière si la crise se prolonge ? Quelles sont les menaces révélées par la crise (à court, moyen et long terme) concernant la satisfaction de ces besoins (boire, se nourrir, se chauffer, se vêtir, être en sécurité…) ? Apprendre d’une crise, c’est faire l’expérience de ce questionnement et réinterroger à partir de là notre manière de vivre. Une crise est également riche d’enseignement sur nos états d’âme : la manière dont s’expriment nos émotions et nos comportements ainsi que notre capacité à nous adapter à la situation.
L’accès à une énergie abondante et bon marché nous a permis de déterritorialiser et déléguer la production de biens et services qui satisfont nos besoins vitaux. Nous avons préféré nous libérer de ces tâches souvent considérées comme ingrates et répétitives, en les confiant à d’autres. Nous avons confondu liberté et confort au point de les rendre indiscernables. Nous avons consenti à perdre notre autonomie : les savoirs pratiques qui nous reliaient à la satisfaction de nos besoins fondamentaux. Ainsi, nous avons fini par « perdre » le lien : avec la nature et le rythme des saisons, avec notre alimentation, avec nos territoires de vie, avec nos voisins et ceux qui vivent à proximité. Nous avons parfois même perdu le lien avec nous-mêmes.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, Article 1er, 1789
Nous l’avons vu à longueur d’article…ces questionnements universels relatifs à la manière de répondre à nos besoins vitaux sont d’une brûlante actualité. Nous avons plus que jamais besoin de personnes anonymes qui contribuent à retisser les liens qui ont été coupés. Ceux qui expérimentent la sobriété volontaire, ceux qui renouent avec les savoirs fondamentaux et techniques qui permettent de satisfaire nos besoins essentiels. Ceux qui sont en première ligne aujourd’hui et dont nous avons tous à apprendre pour nous préparer sereinement aux crises à venir. Nous avons besoin de permaculteurs, d’apiculteurs, de meuniers, d’électriciens, de charpentier, de personnes qui maîtrisent les gestes de premier secours, de thérapeutes… Au-delà des personnes qui disposent de précieuses compétences techniques, nous avons besoin de personnes fédératrices, inspirantes, généreuses et bienveillantes. Des personnes qui transmettent volontiers leur savoir, des formateurs, des pédagogues. L’acquisition et le partage de ces savoirs pratiques et relationnels vont permettre à ceux qui les possèdent de s’inscrire dans un collectif, une communauté de vie, un réseau d’entraide ancré dans un territoire. La reconquête de ces savoirs et techniques n’est pas un retour à l’archaïsme. C’est une manière de nous réinventer. Le « système D » requerra de notre part agilité, créativité et ouverture. Nous avons besoin de nous former dès aujourd’hui pour vivre mieux demain. On pourrait se sentir noyé devant l’immensité de la tâche, face aux techniques et aux compétences que nous devons nous réapproprier pour retrouver une part d’autonomie. Nous replier sur nous-mêmes serait contre-productif. C’est la raison pour laquelle nous devons renouer le lien avec les autres, retrouver le goût du partage. Il faut d’abord pour cela renouer le contact avec nous-même, être animé, bien dans nos baskets, face aux événements chaotiques qui se profilent. A savoir des crises qui risquent de mettre nos croyances et nos modes de vie actuels à terre et d’activer ainsi nos peurs les plus profondes. Des peurs propices à des réactions de panique néfastes pour l’individu et nuisible pour le collectif. Le secret de la réussite, c’est la préparation. Surtout lorsque l’opération est délicate. Intégrer la perspective de crises majeures et durables à court terme est une question de vie ou de mort. C’est pourquoi nous devons dès aujourd’hui revenir aux fondamentaux, retisser les liens qui nous unissent pour faire preuve de sang-froid et d’empathie au cœur des tempêtes qui se préparent. Nous devons nous préparer collectivement pour éviter et panser, tant que faire se peut, les souffrances et les maux dont nous allons être témoins. Il va nous falloir du courage et de l’énergie. Il nous faudra puiser en nous-mêmes. Nous aider à nous relever. Prendre soin les uns des autres sera la clé pour vivre mieux (et pas seulement survivre).
Les crises nous rappellent à nous-même, notre condition d’être vivant. Nous avons beaucoup à apprendre d’elles. Beaucoup à apprendre sur nous-mêmes. Notamment sur notre manière de les appréhender, individuellement et collectivement. Apprendre à envisager et vivre les crises de sorte à ce qu’elles soient fécondes : là réside la clé de notre capacité à nous adapter et à mieux vivre ensemble demain.
[1] C’est le cas de Gael Giraud. Il expose son rapport à la collapsologie dans le cadre d’un échange avec Jean Gadrey : «Il est très difficile de supporter une nouvelle épouvantable si l’on se sent incapable d’agir face à elle. si tu ne prends pas le temps de faire valoir qu’il y a des moyens d’éviter le pire, la perspective est tellement écrasante que l’interlocuteur préfère penser que tu es fou ou que tu te trompes. […] Enoncer des diagnostics rigoureux accompagnés d’une discussion sur les moyens d’éviter le pire est une attitude très différente de celle qui consiste à affirmer : « il est trop tard pour empêcher la catastrophe, discutons du jour d’après… » Ce second type de discours (qui n’est pas le tien et qui caractérise ce que, pour ma part, je qualifie de rhétorique « collapsologique ») suscite, parfois, une sorte de rêverie romantique sur l’après-effondrement où, paraît-il, nous serons tous devenus gentils et sociables. » Sauf démenti de leur part, ce point de vue me semble également être partagé par Jean-Marc Jancovici, Arthur Keller et Vincent Mignerot. Ce dernier privilégie à dessein le terme de « déclin » plutôt qu’« effondrement » (autrement dit l’inéluctabilité plutôt que la probabilité). Quoiqu’il en soit, dans une perspective de gestion des risques, il me semble important d’anticiper un effondrement de notre société, qui impliquerait une perturbation brutale de la satisfaction de nos besoins fondamentaux. Parce que ce scénario est loin d’être à exclure et parce que la solidarité et liens dont elle est tissée ne se construisent pas du jour au lendemain. Les tabous et la gestion des risques n’ont jamais fait bon ménage. L’enjeu est d’explorer tous les scénarii en reconnaissant toujours la nécessité d’agir. L’action n’est jamais vaine quand il s’agit de tisser des liens qui seront précieux dans la perspective d’un déclin…ou d’un effondrement.
[2-3-4-5] « Qui sont les collapso ? », article de Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan dans la revue Yggdrasil
[6] Ce constat est le seul point commun entre la collapsologie et le transhumanisme, deux visions du futur que tout oppose. Les données sur l’état du vivant et des ressources (nécessaires à la généralisation des technologies transhumanistes) indiquent que les théories de l’effondrement devraient être plus proches de la réalité.
[7] Extrait de l’article « Qui a peur de l’effondrement ? », interview de P-E Sutter et L. Steffan
[8] Je renvoie vers le dernier paragraphe de l’article « Changer d’histoires pour changer l’Histoire » qui porte en lui le récit des « Trois Ages de l’Humanité ». Cette trinité humaine (enfance-adolescence-âge adulte) est citée dans l’ouvrage à paraître N’ayez pas peur du collapse de Pierre-Eric Sutter et Loïc Steffan. Le confinement a retardé sa parution prévue initialement en avril 2020.
[9] https://www.connaissancedesenergies.org/en-dehors-du-transport-quels-sont-les-autres-usages-du-petrole
[10] http://www.linternaute.com/actualite/savoir/07/petrole-yaourt/7.shtml
[11] Les critiques les plus acerbes iraient mêmes jusqu’à dire que certains d’entre nous ont délégué l’éducation de nos enfants à d’autres, quand ils ne sont pas tout bonnement livrés à eux-mêmes face aux écrans. D’autres encore considèrent que nous avons même délégué notre pouvoir de décisions avec le régime représentatif (délégation du vote des lois sans dispositif de contre-pouvoir tels que le mandat impératif ou la possibilité de révocation des élus). La référence la plus fréquente pour illustrer ce point de vue est la suivante : « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient les volontés, la France ne serait plus cet Etat représentatif : ce serait un Etat démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » Extrait du discours du citoyen J-E Sieyès à la tribune de l’Assemblée constituante (sept 1789)
[12] Voir en priorité le site http://www.onpeutlefaire.com/fiches-techniques mais aussi http://jesuismaplanete.net/tour_d_horizon/thematique-1/autonome-en-produits-de-consommation-courante/ . Pour aller plus loin, voir l’ensemble de la collection Terre Vivante, le Hors-Série Kaizen « Comment devenir autonome ? » T1 et T2, ainsi que le hors-série Socialter spécial Low-Tech ou encore la chaîne de Barnabé Chaillot
[13] « Les techniques de soi sont des techniques qui permettent aux individus d’effectuer, seuls ou avec d’autres, un certain nombre d’opérations sur leur corps et leur âme, leurs pensées, leurs conduites, leur mode d’être ; de se transformer afin d’atteindre un certain état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immortalité. […] cette culture de soi prend en particulier la forme d’une recommandation à « s’occuper de soi-même », à « prendre soin de soi.» https://www.cairn.info/vocabulaire-des-histoires-de-vie-et-de-la-recherch–9782749265018-page-388.htm
[14] Le Bug Humain : pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher ? par Sébastien Bohler. Le livre résumé en 3 minutes par son auteur.
[15] Concept de Mehdi Belhaj Kacem qui pourrait se résumer par « en vouloir toujours plus ». Il est à mon sens (et – pour le connaître personnellement- à son insu) le philosophe de l’effondrement. Son « Système du pléonectique » donne un substrat philosophique aux théories de l’effondrement tandis que Sébastien Bohler donne quant à lui un substrat physiologique à la notion d’effondrement.
[16] Le biais de normalité et l’absence d’anticipation pourrait nous être fatales face à ce type d’effondrement. D’autant que nous serions précipités dans les pénuries sans y être préparés, ni matériellement ni psychologiquement. Dans ce cas de figure, le risque serait d’aborder ces pénuries « avec la culture de l’égoïsme » qui nous caractérise (pour paraphraser Pablo Servigne). Une culture du « chacun chez soi » héritée de la société de consommation et du délitement de l’entraide propre aux « solidarités territoriales » (vie de quartiers, vie communale, relations de voisinage), vestiges de la « solidarité mécanique » (Durkheim).
[17] « L’autonomie alimentaire des villes » : étude réalisée par le cabinet Utopies en 2017
[18] Interview « La résilience selon Arthur Keller » par la chaîne YouTube « petit manuel de résilience »
[19] La pomme de discorde dans la collapsosphère concerne l’énergie nucléaire comme alternative à l’émission de CO2. Si le nucléaire pourrait constituer le « Subutex » énergétique de notre civilisation addict aux énergies fossiles, certains s’interrogent sur les impacts de la sécheresse sur le fonctionnement des centrales. Cette question déjà ancienne (comme le prouve les liens en commentaire) est d’une brûlante actualité. En effet, nous allons de record en record au niveau des températures et les projections sur la multiplications des situations de stress hydriques n’augurent rien de bon.
[20] Info à fact-cheker : Il me semble que dans l’une de ses conférences J-M Jancovici aurait parlé d’un exode urbain de 10 millions de français en cas d’effondrement systémique.
[21] Si Rungis est paralysé, un parisien a trois jours d’autonomie alimentaire devant lui. https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/2661459-20191129-penuries-crise-petrole-gouvernement-pret-cas-effondrement-monde. Comme disait Alfred Henry Lewis : « Entre la civilisation et le chaos, il n’y a que neuf repas. »
[22] Interview « La résilience selon Arthur Keller » par la chaîne YouTube « petit manuel de résilience »
[23] « La nature est un dispositif métaphysique, que l’Occident et les Européens ont inventé pour mettre en avant la distanciation des humains vis-à-vis du monde, un monde qui devenait alors un système de ressources, un domaine à explorer dont on essaye de comprendre les lois. » Philippe Descola, « La nature, ça n’existe pas » interview du 1er février 2020 dans Reporterre
[24] « homme », « humain », « humus », « humilité » ont la même étymologie : la terre, le sol. Être humble, au sens étymologique du terme c’est se reconnaître terrestre, maillon de la chaîne des vivants. L’Homme peut se réinventer en retournant à la terre, là où se trouvent ses racines.