
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, est l’invité de Mathilde Munos, pour la remise du rapport « les 1000 premiers jours ».
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-23-septembre-2020
À l’occasion de ce rapport qui relate les avancées sur les premiers mois de l’enfance, les « 1000 premiers jours », Boris Cyrulnik revient, entre autres, sur l’avancée sociale que constitue le passage du congé paternité à quatre semaines.
« La présence du père est plus importante que ce qu’on croyait, plus tôt que ce qu’on croyait » explique le neuropsychiatre : « Les relations affectives facilitent le lien avec l’enfant. En quatre semaines, le père découvre le bébé : avant il partait très tôt, le bébé dormait encore et quand il rentrait , le bébé dormait déjà : le père avait la loi dans la maison mais pas le lien affectif ».
« Avant, les entrepreneurs disaient : ‘c’est pas toi qui donne le sein’, les mères disaient ‘qu’est ce que viennent faire les hommes dans notre domaine de la maternité ?’ Maintenant, on ne peut plus raisonner de la même manière » constate Boris Cyrulnik.
Rôle du père, capital dès la grossesse
« Le rôle du père est présent dès la grossesse. Si une mère est seule, elle augmente sa probabilité de faire une dépression, avant et après l’accouchement, car la modernité n’est pas un facteur de protection pour les femmes enceintes. Quant les pères sont présents, les mères sont sécurisées, le psychisme commence dès la grossesse, le bébé naît dans une niche utérine déjà sécurisée ».
On est pourtant encore loin des avancées des pays nordiques ou de l’Espagne : « Ça tient à la manière dont on pense le bébé ou les relations de couple. Les théories de l’attachement sont bien développées dans les pays anglo-saxons. En France, on commence à peine, depuis 10-15 ans, à faire des travaux scientifiques qui permettent de démontrer à quel point l’attachement de la mère, du père, participent au bon développement neurologique, psychologique de l’enfant, alors qu’ils sont déjà appliqués dans les pays d’Europe du Nord ».
Une « attitude éducative » en question
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, souligne que l’avancée seule du congé paternité ne suffit pas : « C’est une attitude éducative, relationnelle entre le couple parental, et même la famille. Le système familial qui protège le mieux un enfant, c’est celui à multiples attachements. La mère bien sûr mais, très tôt pendant la grossesse, aussi le père ou le deuxième parent – le mot père désignait des statuts très différents selon les cultures. Chez nous c’est celui qui a planté la graine, dans beaucoup de cultures africaines, c’est l’amant qui le fait, et le père est celui qui s’occupe de l’enfant, d’autres encore c’est un équipage d’hommes, et ailleurs, beaucoup de femmes seules élèvent leur enfant avec leur mère, la grand-mère, qui tient finalement le rôle de père ».
Les invités
Boris CyrulnikNeuropsychiatre et ethnologue
Congé paternité : sa durée va doubler et passer à 28 jours
La mesure, confirmée mardi soir par l’Elysée, doit être officiellement annoncée par Emmanuel Macron mercredi. La France rattrape ainsi son retard en la matière en permettant aux pères de bénéficier d’un congé de près d’un mois à la naissance d’un enfant.
La durée du congé paternité va doubler et passer ainsi à 28 jours, a indiqué mardi l’Elysée, permettant à la France, un temps en pointe sur le sujet, de combler une partie de son retard par rapport aux meilleurs élèves européens. Lorsque la France a créé le congé paternité en 2002 – 11 jours qui s’ajoutent aux 3 jours du congé de naissance – elle était en avance sur la plupart de ses voisins. Mais depuis, de nombreux pays européens ont adopté des dispositifs plus généreux. « Cette réforme va permettre à la France de passer d’une position médiane en Europe au peloton des pays de tête, avec l’Espagne, la Suède, la Norvège ou le Portugal », souligne la présidence.
« Le temps est un facteur essentiel pour nouer un lien important entre l’enfant et les parents. Actuellement, ce temps de 14 jours est trop court », ajoute l’Elysée, concédant qu’il s’agit pour Emmanuel Macron d’une « réforme extrêmement consensuelle » puisque « 80% de la population y est favorable ». Le chef de l’Etat doit présenter publiquement la mesure mercredi lors d’un déplacement sur le thème de la petite enfance à Longjumeau (Essonne).
Inciter les pères à en profiter
« Il y aura l’introduction d’une part obligatoire dans ce congé » qui « doit encore être fixée avec les partenaires sociaux », précise l’Elysée. Les entreprises ne respectant pas cette obligation s’exposeraient à une amende 7.500 euros.
L’objectif est d’inciter davantage de pères à profiter du congé de paternité, notamment ceux qui ont un statut précaire. 67 % des pères ont recours au congé de paternité, un chiffre qui n’a que très peu évolué depuis sa mise en oeuvre et qui dissimule de fortes inégalités sociales : 80 % des salariés en CDI y ont recours, mais moins de 60 % de ceux qui sont en CDD. L’objectif est aussi de favoriser l’égalité femmes-hommes puisque la charge parentale repose encore beaucoup sur les mères. Les naissances multiples (jumeaux, triplés…) donneront droit, comme aujourd’hui, à sept jours supplémentaires.
Le gouvernement estime que sur la partie obligatoire, le taux de recours en 2021 pourrait grimper à 80 % et s’approcher des 90% à partir de 2022. Mais s’il double la durée du congé paternité, l’exécutif reste en-deçà des conclusions de la commission Cyrulnik sur les « 1 000 premiers jours » du nouveau-né, installée en septembre 2019 par Emmanuel Macron, qui avait recommandé d’allonger à neuf semaines le congé paternité.