
Thouarsais d’origine, Christophe Victor a géré des fusions-acquisitions à LVMH, été directeur au Figaro puis aux Échos, et dirige à présent un cabinet de conseil en nouvelles technologies.
Christophe Victor est un Thouarsais au parcours atypique : après le lycée Jean-Moulin, il a suivi des études de commerce, finances et droit à Paris, puis il a travaillé à la direction de grandes entreprises comme LVMH, Le Figaro ou Les Échos et créé son cabinet de conseil en nouvelles technologies. Il publie un essai et un roman pour inviter ses lecteurs à reprendre le contrôle sur les technologies.
Quel message voulez-vous faire passer en publiant « Le Monde qui vient » et « 2034 » ?
Christophe Victor : « Je suis persuadé que la crise sanitaire a accéléré des phénomènes existants et renforcé le pouvoir des technologies dans nos vies : télétravail, visioconférences, achats sur internet, plateformes de vidéo en ligne. Le numérique a gagné et le pouvoir est donné à une poignée d’acteurs très puissants : les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et les BAXT (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Ils imposent leur modèle, et surtout leur pouvoir dépasse le cadre économique vers des questionnements sur la vérité et la vie privée. Grâce à leurs collectes de données, leur volonté est de mettre le monde en équation pour prédire et contrôler les événements. Comme directeur des Échos, je connais bien le monde des entreprises, et je suis à l’origine de Viva Technologie, un événement qui a pour but de réunir des entreprises et des start-up du monde entier autour des nouvelles technologies. Je ne suis pas contre la technologie, elle n’est ni bonne ni mauvaise : elle est ce qu’en feront les hommes. »
Alors comment reprendre le contrôle sur les technologies ?
« Il y a deux niveaux d’action : la réglementation au niveau européen, et le pouvoir des consommateurs et des salariés. Demain l’entreprise convaincra mieux les employés et les clients si elle préserve l’environnement et a une éthique sociale. Celles qui défendent des valeurs en adéquation avec celles des jeunes, réussissent à les attirer même avec des salaires inférieurs. Mes enfants ont entre 17 et 25 ans et ils consomment un type de produits plutôt que d’autres en fonction de leurs principes. Plus les consommateurs font des choix, plus ils orientent les stratégies des entreprises. »
Quelle est votre activité actuellement ?
« J’ai créé le cabinet de conseil Alia Futura : j’aide des entreprises, souvent des start-up ou des ETI (entreprises de taille intermédiaire, NDLR) qui ont du mal à adapter leurs services au numérique. Par exemple je travaille avec une compagnie d’assurances qui veut lancer une assurance digitale, ou une dirigeante de mode qui veut se développer à l’export et la vente directe sur internet. En 2020, j’ai aussi lancé l’École des entreprises, pour aider les entreprises à créer leur centre d’apprentissage. Mes parents étaient enseignants à Thouars, et selon moi l’éducation devient de plus en plus centrale. L’enseignement me semble vraiment en retard sur tous les sujets d’intelligence artificielle et nouvelles technologies. Par exemple, un opérateur qui sera amené à interagir avec des robots sur son lieu de travail : pour le former il faut disposer des chaînes de production, ce qui suppose un investissement énorme ou de collaborer avec une entreprise qui dispose de ces chaînes. »
Vous conseillez de se former tout au long de la carrière, pourquoi ?
« J’ai beaucoup changé de métiers : j’ai travaillé dans la fusion-acquisition, dans des services de ressources humaines, à la direction d’entreprise, la direction financière, juridique ou technologies. J’ai même travaillé dans les ateliers de Kenzo.
« Les jeunes qui entrent dans la vie active, je suis persuadé qu’ils auront cinq ou six métiers, qu’ils passeront de salariés à freelance, voire devront assumer plusieurs emplois en même temps. Je ne sais pas si c’est souhaitable, mais ça me semble inéluctable. Or ça nécessite une protection sociale très différente de celle d’aujourd’hui. Avec les troisième et quatrième révolutions industrielles, des métiers disparaissent ou se créent très vite. A 40-45 ans, on risque de vous virer parce que vos compétences ne seront plus en adéquation. Il faut s’y attendre et savoir se former et d’adapter à de nouveaux environnements. »
Avez-vous gardé des liens avec votre ville d’origine ?
« Mon lien avec Thouars reste fort, car je dois mon parcours à tout ce que m’ont apporté mes professeurs du lycée Jean-Moulin. Encore aujourd’hui dans les livres que j’écris, je fais des hommages à « 1984 » et « Fahrenheit 451 », que j’ai découvert avec ma professeure de français, Mlle Bat. Ses cours ont guidé ma découverte de la littérature tout au long de ma vie.
« Quand on vient de province et d’une petite ville comme Thouars, et qu’on débarque en classe préparatoire à Tours puis dans les écoles de commerce parisiennes, on s’attend à un écart : mais je me suis aperçu que je n’ai pas du tout été largué par rapport à ceux qui venaient de grandes villes. Par contre je me suis retrouvé parmi des fils de chefs d’entreprise et de médecins, et j’ai passé pas mal de temps à me sentir déphasé. On se retrouve en concurrence à armes inégales, avec des élèves dont la famille travaille dans les affaires, ils ont les codes et ont été préparés très tôt à ce type de compétition. »
Revenez-vous à Thouars parfois ?
« Je reviens voir mes parents et je reste attaché à cette très jolie ville. Je vois avec tristesse les commerces fermés. Depuis trente-sept ans, la situation économique s’est dégradée. Cependant la rénovation urbaine a été bien faite, c’est une ville agréable à vivre qui reste injustement méconnue d’un point de vue touristique, alors qu’il y a beaucoup de choses à y découvrir. Et il y a des entreprises thouarsaises qui réussissent très bien. »
Son parcours
1965 : naissance à Thouars ;
1980 : lycée Jean-Moulin de Thouars ;
1982 : prépa HEC de Tours ;
1984 : études de commerce, finances et droit à l’Essec, Paris Dauphine et Assas ;
1988 : responsable opérations financières chez AXA ;
1992 : responsable fusion-acquisition à LVMH ;
1994 : directeur financier à La Tribune ;
1997 : directeur financier à Kenzo ;
2005 : directeur général adjoint au Figaro ;
2011 : directeur général délégué aux Échos ;
2017 : publication avec Lydia Babaci-Victor de l’essai « Révolution digitale : transformer la menace en opportunité », Editions Eyrolles ;
2018 : fondateur du cabinet de conseil Alia Futura ;
2019 : publication de l’essai « Le Monde qui vient, ou comment reprendre le contrôle sur les technologies », Editions Plon ;
2020 : publication du roman d’anticipation « 2 034 », Alia Futura.
https://youtu.be/sHxky4kO5bc
RÉSUMÉ
Alors que le monde se précipite vers une « quatrième révolution industrielle » aux enjeux cruciaux, Christophe Victor propose des pistes pour bâtir « le monde qui vient » afin qu’il ne soit pas pire que celui, à bout de souffle, dans lequel nous vivons.
Le monde change, et il change à une vitesse jamais connue jusque-là. La convergence des technologies (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, cognitivisme) nous précipite dans ce que certains appellent déjà la » quatrième révolution industrielle « . Nous avons à peine intégré et compris la troisième (celle des nouvelles technologies de l’information) que nous voilà plongés dans une nouvelle : celle de l’intelligence artificielle, des modifications génétiques, des thérapies géniques, des nouveaux matériaux… Pour la première fois, l’homme a à sa portée la capacité de manipuler la matière à l’échelle atomique, de modifier génétiquement des êtres vivants, d’augmenter son potentiel physique et cognitif… jusqu’à modifier les lois de la nature et l’essence même de l’être humain.
Le propos de ce livre est d’expliquer » le monde qui vient « , de façon pédagogique et accessible, en analysant comment ces mutations technologiques bouleverseront demain notre environnement, notre consommation, notre travail, nos démocraties, notre santé… Pour le meilleur ou pour le pire ? Cela ne dépend que de nous et des choix que nous devons faire maintenant. Il existe un chemin entre l’utopie techno-libertarienne de la Silicon Valley, le modèle techno-dirigiste qui se construit en Chine et la tentation du retour en arrière ou du repli sur soi des populistes de tous bords. Cet ouvrage esquisse des propositions pour le bâtir. Pour que » le monde qui vient » ne soit pas pire que » le monde que nous quittons « .