
C’était quoi avant ? 2/5. À Thouars, ces lieux ont changé d’aspect et de destination au point que l’on oublie leur étonnant passé. Deuxième épisode de notre série : l’Auberge de Pommiers, haut lieu de détente des Thouarsais.
Depuis le centre-ville de Thouars, on y descendait à pied ou à vélo, le maillot de bain – bien moins élastique qu’aujourd’hui – et la serviette à l’épaule. Comme à la plage, on se changeait dans une cabine, ou peut-être derrière un buisson. Et puis on se jetait à l’eau, ou l’on allait se dorer la pilule, à Pommiers. Aux beaux jours, voici le théâtre quotidien qu’était la guinguette de Pommiers, au bout de la chaussée, sur le chemin de la cascade du même nom.
« Pommiers Plage », comme le dit une publicité d’époque. Paris n’a rien inventé… Avec ses ouvertures murées, l’Auberge de Pommiers, en quasi-état de ruines, a l’air bâillonné, et pourtant, demeure ce témoin silencieux de la guinguette. Alors trouvons-en de plus causants…
« C’est là que j’ai appris à nager »
« La guinguette, c’est là que j’ai appris à nager », » dit Serge Blanchard, mémoire thouarsaise, à l’évocation de « Pommiers », comme toute une génération de Thouarsais. Ou plutôt les guinguettes, car l’on en trouvait plusieurs, avant et après guerre, notamment la villa du Viaduc, autre fameux rendez-vous estival, au pied du viaduc Eiffel. Ou le moulin du Vicomte, avant qu’il ne devienne une maternité.
À l’origine, comme au bout de chaque chaussée sur le Thouet, se trouvait un moulin, parti en fumée à la fin du XIXe siècle. Au même endroit, un certain M. Chessé fera construire une première baignade, la Villa Plaisance. L’endroit est rapidement doté d’une vingtaine de cabines.
Un plongeoir sur la « plage »
« Il y avait alors un club nautique, qui déléguait un maître nageur à la guinguette. Ce n’était pas comme maintenant, » souligne Serge Blanchard. « Aujourd’hui, il y a plein de structures pour nager. » Les piscines n’existent pas et la mer, c’est loin : où se baigner, à part dans le Thouet ? C’est ici que tout le monde boit ses premières tasses. « Mes grands-parents étaient à Loudun et venaient à Pommiers pour apprendre à nager », » témoigne un autre Thouarsais. Point de ceintures à flotteurs : les enfants apprenaient à nager sur des joncs. La « plage » est même munie d’un plongeoir.
Piste de danse
On y fait la fête, aussi. Le bâtiment comprend un restaurant, une salle de bal auxquels s’ajoute une piste de danse en ciment, entourée de tables. Ici, point de musiciens, mais un pick-up avec un haut-parleur.
« Pommiers, c’était l’auberge-guinguette populaire, » dit Sébastien Maurin, du service patrimoine de la ville. « Elle avait une concurrente, la Villa du viaduc, qui était davantage guindée. Eux, ils avaient un orchestre ou un piano mécanique. »
Fin d’une époque
Après guerre, les usagers de la guinguette peuvent même profiter d’un mini-golf. L’Auberge de Pommiers accueille des bals, et même des mariages. Sa cuisine bénéficie longtemps d’une bonne réputation.
L’ouverture de piscine d’été, en 1962, va mettre un point final à l’époque des baignades et guinguettes. Tout comme la pollution croissante des eaux, durant ces Trente glorieuses où l’industrie se développe sans considération pour l’environnement. L’eau est beaucoup moins propre qu’au début du siècle. »Il y a eu une avalanche de réglementation, mais ce n’était peut-être pas un mal », » dit Serge Blanchard.
Sans baignade, l’Auberge de Pommiers va pourtant résister, grâce à son bar, son restaurant et sa partie hébergement. On se souvient notamment des grandes et réputées compétitions de moto-cross, qui feront profiter l’établissement de leurs milliers de spectateurs. L’Auberge ne fermera définitivement ses portes qu’en 1997. Pommiers reste, aujourd’hui, un passage obligé pour tout promeneur thouarsais.
Série : C’était quoi avant ?
Cet été, Le Courrier de l’Ouest vous propose de revisiter, avec l’aide de témoins et du service patrimoine de la Ville, l’histoire de lieux oubliés de Thouars. Ces bâtiments existent encore mais ont changé d’aspect et de destination, au point que beaucoup ont oublié leur étonnant passé. Prochain épisode : l’usine Tuar.