
À Tourtenay, près de Thouars (Deux-Sèvres), les trésors patrimoniaux sont aussi exceptionnels que discrets. S’il en était un seul à retenir, ce serait peut-être son pigeonnier souterrain.
C’est le genre d’endroit qui rend bouche bée le visiteur dès le premier regard. Invisible ou presque de dehors, en se dirigeant vers les vignes de Tourtenay, le pigeonnier troglodyte révèle toute sa splendeur depuis le sous-sol, comme les trois quarts de ce village aux nombreux joyaux jalousement gardés. Il faut donc prendre un grand escalier qui s’enfonce d’environ sept mètres, ou bien emprunter l’immense souterrain creusé dans le tuffeau, sous la maison de la famille Pichot, pour épouser des yeux le pigeonnier troglodyte, immense estomac de roche perclus de milliers de trous réguliers.
Un cousin éloigné en Turquie
Un site d’autant plus remarquable qu’il est « » « unique en Europe » », souligne Geneviève Pichot, toujours prête à faire visiter ce patrimoine, entré dans la famille en 1961. « » « Il en existe un semblable mais en région de Cappadoce, en Turquie ». » Le site fut acheté par le papa, Gérard Pichot, agriculteur et éminent Résistant, à la suite d’une vente à la bougie. « » « Celui qui avait engagé la plus grosse somme emportait le bien à l’extinction de la bougie » », explique Christophe Pichot, le petit-fils, qui a repris l’exploitation viticole familiale, le Clos du Bois-Ménard. Qui peut se targuer de posséder l’une des caves les plus remarquables de France…
« Il pourrait dater du VIe ou du VIIe siècle »
Monument emblématique du Thouarsais, et pourtant encore méconnu au-delà des frontières deux-sévriennes, l’origine du pigeonnier souterrain reste floue, ce qui entretient sa légende. « » « Les archives sur le monument ne remontent pas plus loin qu’au XIIIe » « siècle » », dit Geneviève Pichot. Cependant, « » « il pourrait dater du VIe ou du VIIe » « siècle. Nous pensons que les moines bénédictins l’ont fait construire. » » C’était à l’époque où Tourtenay s’appelait encore « Tourtenacum » mais était déjà « un territoire viticole. »
Un symbole de puissance
Les parois de l’immense cave sont creusées de pas moins de 1 875 boulins, ces trous où nichaient les couples de pigeons. L’échelle tournante fonctionne toujours, alors que son pivot en bois, d’origine, date au moins du XIIIe siècle ! Plus qu’un abri à volatiles, un véritable symbole de puissance. « Un boulin correspondait à une bosselée de terre », » précise Christophe Pichot. Le domaine régnait donc sur environ 900 hectares, soit « quasiment tout le village. »
À visiter
Avant que la famille Pichot n’investisse les lieux, le pigeonnier a notamment servi d’élevage de poulets, après guerre. Le propriétaire d’alors « était persuadé qu’un trésor des Templiers se cachait dans la maison. » En rachetant la demeure et son pigeonnier attenant, Gérard Pichot a aussi révélé ce patrimoine extraordinaire à la population thouarsaise. Durant des années, des cars de touristes sont venus le découvrir et déguster par la même occasion, dans ce cadre unique, un excellent vin d’appellation Saumur, et vécu ici de mémorables soirées festives. « Notre père a aussi fait consolider les parois » qui, en plusieurs endroits, menaçaient de s’effondrer sous l’action conjuguée de l’humidité et du gel. Ce trésor unique, mais toujours en danger, la famille Pichot le fait visiter, gratuitement, aux amateurs de patrimoine et de belles histoires.
Pigeonnier souterrain, rue des Vignes, à Tourtenay. Réservations : tél. Geneviève Pichot au 06 62 21 92 65. Participation libre.